Patrick Morand photographies nature et paysages

 

La pose longue et la photographie de paysages

Vapeurs méditerranéennes.
Nikon D200, zoom 28-70, filtre Hoya ND 400

La photographie en pose longue peut s'imposer lorsque la lumière manque, elle peut aussi être utilisée volontairement pour créer certains effets. L'un des plus classiques est sans doute l'opposition du flou des éléments mobiles et de la netteté de ce qui est fixe : paysage urbain de nuit avec les voitures qui se transforment en traces lumineuses et colorées, filé dans une cascade ou une rivière, étendue d'eau qui devient vaporeuse, etc.
Ces images nécessitent généralement des temps de pose allant de quelques secondes à plusieurs minutes et leur réalisation demande un peu d'habitude ainsi que parfois du matériel particulier :

Le trépied : C'est un des outils de base des photographes de paysages et s'il n'est pas spécifique aux poses longues il est indispensable à leur réalisation (sauf si l'on souhaite que toute l'image soit floue).
Il faut bien entendu que ce trépied soit le plus stable possible et un système permettant d'accrocher du lest à la colonne centrale peut également être utile les jours de grand vent.
Si vous utilisez du matériel lourd sur un trépied d'entrée de gamme, n'oubliez pas de bloquer au maximum toutes les articulations une fois le cadrage déterminé. En effet, pendant une pose vraiment longue le poids de l'appareil peut suffire à faire glisser très légèrement certaines parties de la rotule.

La télécommande ou déclencheur souple : La plupart des réflex numériques actuels gèrent automatiquement les poses allant jusqu'à environ 30 secondes. Il est possible de se débrouiller avec le retardateur de l'appareil tant que l'on respecte cette limite mais au delà un dispositif de déclenchement à distance est indispensable pour l'utilisation de la pose B.
Personnellement, j'essaie de limiter le nombre de piles à transporter et de batteries dont il faut suveiller la charge. J'utilise donc des déclecheurs souples électroniques qui se connectent sur la prise dédiée à la télécommande de mes réflex Nikon. Il y a un modèle chez Hama qui coûte une vingtaine d'euros et qui fonctionne à merveille.

Les filtres gris neutre (ND) : Lorsque la luminosité ambiante est très faible (forêt dense, aube, crépuscule), il est possible d'obtenir des poses de plusieurs dizaines de secondes sans avoir recours à aucun filtre. Dès que la lumière devient plus forte par contre, les filtres gris neutre (Neutral Density) sont d'une aide précieuse.
Ces filtres ne laissent passer qu'un certain pourcentage de la lumière qui leur arrive. On les appelle neutres car ils filtrent toutes les longueurs d'onde de façon équivalente et n'introduisent donc aucune dérive de couleur. Les plus courants divisent l'intensité lumineuse qui les traverse par 2, 4, 8, 16 etc. Certains ont une densité beaucoup plus forte. Ainsi le ND 400 fabriqué par Hoya que j'utilise beaucoup en bord de mer divise l'intensité lumineuse par environ 500.
Sur le plan "mécanique", il existe deux sortes de filtres ND. Les filtres vissants qui se présentent sous la forme d'un disque de verre opaque que l'on visse devant la lentille frontale de l'objectif. Les autres que les anglo saxons appellent slot in et que moi j'appellerai glissants ont la forme d'un rectangle de verre ou de résine que l'on glisse dans un porte filtre. Ces derniers sont fabriqués par Singh-Ray, Lee ou Hitech. L'intérêt de ces filtres glissants est qu'une fois le porte filtre installé devant l'objectif, on peut très facilement les mettre, les enlever, les combiner entre eux ou avec des filtres gris dégradé.

La détermination du temps d'exposition nécessaire peut également demander un peu de pratique.
Pour des poses de quelques secondes, les différents programmes d'exposition des appareils photo fonctionnent en général assez bien mais dès que l'on dépasse les 30 secondes fatidiques il faut bien trouver une autre solution.

On peut utiliser une méthode pseudo rationnelle qui consiste à jouer sur la sensibilité et/ou l'ouverture jusqu'à trouver une configuration dans laquelle la mesure automatique de l'appareil fonctionne.
Il est alors possible de noter le temps d'exposition donné par la cellule, rétablir les paramètres initiaux et calculer par interpolation la durée d'exposition théoriquement correspondante.
Cette interpolation théoriquement correcte (du moins en numérique) est rarement exacte dans la pratique et s'y fier directement produira probablement une image sous exposée qu'il faudra recommencer avec un temps d'exposition plus long. Grâce à l'écran de contrôle et à l'histogramme cette démarche itérative peut fonctionner assez bien et sans coût mais elle présente cependant un inconvénient assez important : Les belles lumières de l'aube ou du crépuscule sont souvent très fugaces et si l'on n'arrive pas à les capter du premier coup, le temps de faire quelques essais il est trop tard ...

La meilleure solution consiste à mon avis à débuter avec cette méthode jusqu'à bien connaître le comportement de son matériel face à de telles lumières. Il sera alors possible de corriger la mesure automatique de l'appareil puis avec un peu plus d'expérience d'estimer directement la bonne exposition.

Deux petites choses pour terminer :

  • Pour des poses de plusieurs dizaines de secondes, une seconde de plus ou de moins ne joue quasiment pas sur l'image finale. Il n'est donc pas nécessaire de diposer d'un matériel sophistiqué pour mesurer le temps d'exposition. La trotteuse d'une montre analogique fait très bien l'affaire.

  • Quelque soit l'appareil numérique utilisé, les poses très longues vont augmenter la présence du bruit dans l'image. Il faut donc soit s'en accomoder soit rester raisonnable ...